Le cas Léopold Munyakazi, Albert Bizindoli et Emmanuel Senga se complètent

Dr Léopold Munyakazi lors de la 1ère comparution devant le tribunal de Nyarugunga, le 11/10/2016 Photo (c) Umuseke

“Lui l’ancien taiseux, le timide, sans doute excédé par tout ce qu’il avait vécu et vu, se lâche et entreprend de mettre à nu le système FPR, dans un pays les États Unis, considéré comme stratégique pour sa survie. On le met en garde; il passe outre et franchit la fameuse ligne rouge.” Albert Bizindoli

Merci cher Albert de résumer les circonstances du calvaire munyakazien, après l’avoir bien décrit à l’aide de ses sensibilités politiques et son extrême prudence dans tous ses choix, guidé par son passé d’homme prudent, intelligent et intègre, point n’est besoin de revenir à son chemin de croix qui l’a amené à purger plus ou moins 5 ans de prison ferme et gratuite, mais plutôt à considérer sa sortie. Il s’en sort grâce à un concours de circonstances, le moins espéré, quand, sous l’insistance de la Croix Rouge, les prisonniers  supposés être génocidaires à l’époque, furent transférés de fait vers leurs préfectures d’origine. A cause de cet élément imprévu, Léopold Munyakazi fut transféré de Rilima à Gitarama. Cette simple opération fut à elle seule un premier déclencheur de l’aspiration à la libération. N’ayant pas fait d’objet d’aucun témoignage à charge, les autorités pénitentiaires, et plus tard administratives l’élargirent  sous certaines conditions, dont notamment se présenter régulièrement, suivant un certain calendrier,, devant les autorités de Secteur et de la Commune.

Monsieur Léopold Munyakazi a toujours satisfait ces conditions jusqu’à sa demande dune permission pour assister à un Forum de Professeurs de Français tenu à l’Etat de Géorgie aux Etats-Unis. Il obtint que le visa pour entrer aux Etats-Unis fut apposé dans son passeport, obtenu des autorités de l’Emigration et Immigration rwandaises. Une première conséquence à cette disposition, c’est que les autorités rwandaises reconnaissaient que Monsieur Munyakazi était apte à utiliser son passeport pour sortir et rentrer dans son pays. Légalement il n’y avait rien qui lui interdisait de jouir de ses libertés citoyennes.

C’est durant ce même séjour aux Etats-Unis qu’il apprit qu’une certaine liste de gens recherchés par l’Etat était en circulation, et quelques-uns de ceux-là étaient déjà arrêtés et incarcérés, Munyakazi était sur cette liste, profitant de ce qu’il était hors d’atteinte, pour garder l’avantage de la distance, et en même temps pour  déclencher une demande d’asile politique, il introduit son dossier de demande d’asile. Jusque-là les événements suivaient leur cours, jusqu’au moment où il commença à irriter en parlant des problèmes des Droits de l’Homme et de la Démocratie au Rwanda. D’aucuns peuvent lui reprocher d’avoir enclenché cette manœuvre avant de s’être assuré de la suite de sa demande d’asile. Effectivement deux choses étaient à prévoir: soit le Gouvernement des Etats-Unis pouvait apprécier sa demande en tenant compte de la violation des droits de l’Homme en cours au Rwanda; ou encore sacrifier un individu sur la table des relations bilatérales entre les Américains et le Rwanda. C’est cette deuxième possibilité qui a été privilégiée d’autant plus que le litige évoqué avait une porté mondiale, à savoir le génocide,; et que d’autre part le Rwanda pouvait brandir le fait que Munyakazi n’était pas toujours lavé de tout soupçon, .

Alors face à ce dilemme, ce que Monsieur Albert Bizindoli qualifie de “mettre à nu le système FPR” et que par ailleurs,  Monsieur Munyakazi s’est vite fié à une compréhension d’un pays démocratique face une pratique non démocratique en s y leurrant en quelque sorte. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, fut sa conférence à l’Université de Delaware, et quelques mois plus tard, à son Collège d’affectation. En effet, sa conférence à Dalawere a été réduite à un seul concept: la dénégation du génocide, en l’opposant à une guerre fratricide. Quiconque connait la politique des autorités rwandaises sous Kagame, sait automatiquement que le génocide est le pilier central de tout l’édifice du FPR. Toute son autorité ne repose que là: les tueries, les assassinats, la spoliation des biens, l’injustice, la ségrégation ethnique sur tous les niveaux découlent de là, n’existent que grâce à cela et ne sont tolérés que grâce à lui..

Dès lors l’on comprend mieux aujourd’hui que ce que Munyakazi voulait user pour sa défense s’est complètement retourné contre lui, non pas qu’il avait tort de dire ce qu’il avait dit, mais tout simplement que le moment ne s’y prêtait pas, et que conséquemment sa candidature à l’exil a été gelée tout ce temps jusqu’ à la déportation dans le cadre des lois américaines en matière d’émigration.

Pour conclure: aux yeux des autorités rwandaises et leurs cibles, Léopold Munyakazi a été extradé sous l’accusation du génocide, et je réponds tout de suite archi-faux; il a été extradé parce que, selon la loi américaine, il avait excédé le temps normal de séjour  acceptable pour quiconque n’a pas obtenu l’asile dans ce pays. Tout simplement quand quelqu’un se trouve dans cette situation, il est arrêté, transféré dans plusieurs centres de détention avant de le faire atterrir, à bord d’un jet américain dans son pays d’origine.

Dans le cas précis du Dr. Léopold Munyakazi, le Rwanda s’est toujours tenu aux aguets, suivant de près cette évolution du dossier de la demande d’asile, et quand le dénouement final est arrivé, les autorités rwandaises ont savamment récupéré une action légale pour une mise en scène, notamment en y mêlant le génocide, sachant que pour l’avoir longuement médiatisé notamment par les hautes autorités du Pays en l’occurrence la Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, ainsi que certains individus placés à différents postes du pouvoir et de facto très influents, dont un certain Tom Ndahiro, il leur sera facile de prouver qu’ils viennent de pêcher un gros poisson de la mer du génocide. Encore une fois je leur rétorque qu’ils trompent l’opinion publique en essayant d’enfumer toute cette histoire de leur rhétorique de génocide en même temps qu’ils mettent toutes les batteries en branle pour convaincre même ceux qui ne les croient plus, faisant croire  qu’ils continuent à rester forts, alors que la lecture de l’Histoire prouve le contraire: continue de pointer du doigt une machine qui  s’enlise de plus en plus. Ce n’est qu’une question de temps. Qui sait d’ici là, Dr. Munyakazi Léopold aura tenu. Nos prières vont avec lui ainsi qu’à sa famille.

Emmanuel Senga

 

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