Par Jean-Claude Mulindahabi
Dans la 1ère partie de cet écrit, on essaiera de comprendre pourquoi certaines personnes acceptent de se soumettre, servir un « leadership » dictatorial, un pouvoir absolu, et ce, au détriment de leur conscience morale et intellectuelle… Une humiliation ou presque. Quel est le « modus operandi » de l’aliénation idéologique ou le lavage de cerveau? Y a-t-il une ressemblance entre ce phénomène indigne, et le syndrome de Stockholm ? Dans la 2ème partie, on verra si un pays comme le Rwanda en souffre ou pas.
Les régimes dictatoriaux ont pour principales caractéristiques, la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme qui s’impose comme « l’homme fort », ou d’un groupe qui, même quand il a tort, et mène le peuple au désastre, le citoyen qui ose lever la voix pour le dénoncer, est farouchement réprimé, avec le risque d’y laisser sa vie. Dans un régime dictatorial, la personne, ou le groupe de personnes aux commandes, dispose d’un pouvoir absolu, s’y maintient de manière autoritaire, l’exerce de façon arbitraire. Il ne s’empêche pas à faire usage de la répression violente, et s’autorise sans aucun scrupule à emprisonner les opposants, ou à les éliminer physiquement. Ce traitement abominable, permet au régime dictatorial, de mettre en ouvre ne sorte d’assujettissement ou la soumission de la population. Celle-ci se laisse faire, non pas par conviction, ni respect, mais par peur, quand il ne s’agit pas d’intérêts avilissants, éphémères, ou « cadeau empoisonné ».
En effet, le régime dictatorial peut aussi recourir à l’aliénation pour anéantir davantage toute forme de voix dissonante. L’aliénation idéologique ou le lavage de cerveau est une autre arme très efficace dont les régimes dictatoriaux ne peuvent jamais se passer pour asseoir leur domination. C’est aussi, grâce à cette méthode qu’ils parviennent à se maintenir au pouvoir, parce qu’il s’agit d’une manipulation de la population, où celle-ci n’a qu’à suivre aveuglement, sans la moindre résistance ou contestation pour échapper à la répression. Ainsi, celui qui détient les rênes du pouvoir domine, et maîtrise le sujet sans encombre.
Selon le sociologue Pierre Bourdieu, et le philosophe Friedrich Hegel, l’aliénation désigne un état de privation de ses facultés propres, ou de ses droits, une dépossession de ses capacités, ou même une contrainte imposée, empêchant le déploiement de son potentiel. Dans cet état, une personne n’est plus elle-même. Elle devient étrangère à elle-même, ne pense pas par elle-même, elle est assujettie sans en avoir conscience, ou joue le jeu en faisant semblant d’épouser l’idéologie en place. Quoi qu’il en soit, il se met au service du régime qui le manipule et le transforme à sa guise. Etrangement, le sujet peut se montrer admiratif de son « maître ». Cela n’est rien d’autre que le lavage de cerveau pur et simple.
On ne retrouve pas seulement l’aliénation idéologique à l’époque de Staline en ex-URSS, Mao en Chine, Franco en Espagne, Nicolae Ceausescu de Roumanie, etc. Même à notre époque, on assiste à ce « jeu » politique dans plusieurs pays. Actuellement, quand on demande à quelqu’un de citer un exemple d’un régime dictatorial, le nom qui vient souvent, est celui de la Corée du Nord, mais certains observateurs n’hésitent pas à donner en exemple, le régime actuel rwandais. Quand on parle du régime dictatorial nord coréen, on se réfère à son ancien dirigent Kim II Sung qui fut désigné « président éternel ». Par la suite, la dictature n’a jamais changé de couleur, et l’aliénation de masse ne s’est jamais arrêtée.
La contrainte psychologique exercée par le régime, entraîne la population à adopter un comportement d’adhésion à l’idéologie. C’est ce qui explique la théâtralisation des situations qui n’ont rien à voir avec la réalité. L’on se rappellera des vidéos d’hystérie diffusées par des chaînes de télévisions nord coréennes à l’annonce de la mort de Kim Jong-il en 2011. Toute la population s’est mise à pleurer. Des scènes de chagrin comme de l’enthousiasme sont devenues une compétition entre les citoyens.
Manifestement, le peuple se laisse manipuler. Il a peur, et il a raison d’en avoir, puisque le régime ne cache pas son caractère impitoyable. Le moindre soupçon d’opposition au régime est violement réprimée jusqu’à la peine capitale. La tolérance est zéro, même pour une petite défaillance d’un fonctionnaire. C’est ainsi qu’en mai 2015 l’actuel président, Kim Jong-un a fait exécuter au canon anti-aérien son ministre de la défense pour avoir sommeillé lors d’un défilé militaire. En décembre 2013, il avait aussi fait exécuter son oncle et mentor âgé de 67, accusé entre autres de corruption et trahison. Selon différents médias occidentaux, en juillet 2016, le régime dictatorial dirigé par Kim Jong-un a exécuté son ministre de l’éducation, qui avait aussi le titre de vice-Premier ministre, accusé d’être « un agitateur anti-parti et anti-révolutionnaire ». Difficile de trouver un qualificatif pour bien désigner la cruauté d’un tel régime. Le plus étonnant, c’est de voir que dans les régimes dictatoriaux ou totalitaires, une partie de la population se laisse facilement envahir par le syndrome de Stockholm.
Qu’en est-il du syndrome de Stockholm ?
Le syndrome de Stockholm est un phénomène selon lequel une personne subit, de manière gratuite, de l’injuste, de la torture, et paradoxalement, la victime semble au-delà de toute logique, donner raison à son geôlier. Une victime peut avoir une empathie ou une sympathie, jusque même à la vénération et attachement à son geôlier, malgré tout! Or, le danger reste toujours réel. Le syndrome de Stockholm est une situation d’aliénation, comme on en observe, alors que le sujet n’a pas forcément de troubles psychiques.
A l’origine, cette expression s’est répandue, à la suite d’un incident qui s’est produit dans la capitale suédoise. En 1973, des braqueurs prennent en otage quatre employés d’une banque. Armés, jusqu’aux dents, ces braqueurs sont prêts à tout pour réussir leur opération. En danger de mort, les otages seront libérés in extremis. Contre toute attente, les otages s’interposent entre leurs ravisseurs, et les forces de l’ordre. En plus, les otages refusent de témoigner à charge, et vont même leur rendre visite en prison. Une relation amoureuse, est par ailleurs, entretenue entre un braqueur et l’une des otages…
Ce terme « syndrome de Stockholm » est actuellement utilisé pour désigner ce phénomène inhabituel d’abandon de son identité par crainte d’une autorité. L’acceptation par contrainte, ou par visée de profit individuel mais peu glorieux. On renie ses valeurs en se rabaissant aux volontés d’un monarque absolu, dignitaire impitoyable, dictateur ou totalitaire… C’est devenir quelqu’un d’autre, en mettant de côté sa personnalité, sa conscience et ses valeurs. C’est une autodestruction. La ressemblance du syndrome de Stockholm et l’aliénation idéologique, se situe sur ces principaux et derniers éléments évoqués. Ce phénomène autodestructeur est fréquent dans les régimes totalitaires, et il n’est pas rare dans les régimes dictatoriaux.
Le totalitarisme va plus loin
Il s’agit d’un régime qui confisque la totalité des activités de la société. Il s’immisce jusque dans la sphère intime de la pensée, en imposant à tous les citoyens l’adhésion à une idéologie, hors de laquelle ils sont considérés comme ennemis de la communauté, d’où l’aliénation. Il dispose de l’ensemble des moyens de communication de masse, qu’il utilise comme des instruments de propagande. Il crée des structures d’embrigadement de chaque catégorie de la société, et se préserve une mainmise sur l’ensemble de l’économie. Il dispose d’un monopole de la force armée, un système à la fois policier qui a recours à la terreur, avec par exemple, un réseau omniprésent d’agents dormants et de surveillance des individus, basée sur la suspicion, la dénonciation et la délation. Ceux qui tentent de s’y opposer ou soupçonnés comme tels, sont incarcérés, torturés ou assassinés.
Prochainement, on verra dans la 2ème partie, si un pays comme le Rwanda est concerné ou pas. Le régime du général Paul Kagame est-il une dictature? S’agit-il d’un régime totalitaire? Ni l’un ni l’autre? Ce sera, dans quelques jours.
Jean-Claude Mulindahabi