Paru le 21/06/2015 sur le blog EJCM
« Tu es notre Eglise mais nous sommes inquiets » déclare Faustin Kabanza. En effet, dans d’autres pays, comme la RDC (République Démocratique du Congo), le Burundi et ailleurs, l’Église s’exprime, interpelle ou donne son avis quand des moments difficiles ou des situations conflictuelles se produisent. Faustin Kabanza se demande pourquoi ce n’est pas le cas au Rwanda. Ainsi, le titre de son article ci-dessous, est en soi une question pertinente qui mérité une particulière attention ou du moins une réflexion, à l’heure où l’auteur n’est pas le seul à se questionner. L’Église Catholique du Rwanda, as-tu démissionné ?
« Le Dieu du Rwanda passe la journée ailleurs et vient dormir au Rwanda » dit un dicton rwandais. A partir de 1994, certains Rwandais se demandent, cependant, si ce « Dieu » n’a pas définitivement abandonné le Rwanda, ne cherchant plus à y passer sa journée ni à y dormir ! L’Église catholique est majoritaire au Rwanda depuis son implantation en 1900 par les Pères Blancs du Cardinal Lavigerie, archevêque d’Alger et de Carthage.
Dans l’histoire du Rwanda, cette Église a connu des hauts et des bas, des moments glorieux mais aussi des périodes sombres. Pour ces dernières, on retiendra entre autres ses trois évêques tués à Kabgayi, le même jour, par les militaires du pouvoir rwandais actuel, accusant cette Église, à tort ou à raison, d’avoir participé au génocide. En revanche, pendant le génocide et d’autres massacres de masse, l’Église Catholique a perdu un grand nombre de son clergé et de ses fidèles. D’autres ont à leur tour participé aux tueries sans pour autant déterminer, jusqu’à présent, la responsabilité de l’Église de manière générale et officielle. Cela vaut en principe pour toutes les confessions qui étaient recensées au Rwanda à cette époque. L’Église Catholique repliée sur elle-même ?
Après le génocide et d’autres massacres de masses, la société rwandaise n’est pas totalement sortie du tunnel. Le pouvoir actuel essaie par tout moyen de convaincre le monde entier par un discours élogieux, présentant le Rwanda comme un paradis terrestre. Or, ce discours cache incontestablement une certaine misère qui exacerbe une partie de la population. Ce discours cache une économie à deux vitesses : les riches s’enrichissent davantage et les pauvres s’enfoncent plus que jamais dans la pauvreté.
Cette angélisation de la situation dissimule une injustice ressentie et vécue par une catégorie de Rwandais ayant perdu leurs proches sans avoir obtenu une justice équitable (les habitants de l’ancienne commune Giti entre autres). Sans vouloir tomber dans la décrédibilisation ou la sous-estimation aveugle de toutes les réalisations du pourvoir en place, je voudrais simplement souligner que tout n’est pas parfait comme certains font semblant de le faire croire. Qui ne peut s’indigner contre les cadavres retrouvés il y a quelques mois dans le lac Rweru ou alors les cadavres retrouvés aux alentours de la prison centrale de Kigali ? Qui ne peut s’inquiéter du manque de liberté d’expression déjà dénoncé par les organisations des droits humains ?
L’Église catholique rwandaise, majoritaire, ne fait pas entendre sa voix pour condamner de tels actes. Qui ne dit mot consent, dit-on en français. Est-ce pour dire que l’Église cautionne de tels actes ? Invraisemblables ! Autant l’Église catholique attend beaucoup de ses fidèles rwandais (le denier, l’adhésion aux principes de l’Église, etc..), autant ces derniers attendent beaucoup de l’Église. Cette dernière devrait être leur porte-parole, la voix des « sans-voix » sans forcément se mêler de la politique. L’Église Catholique ne devrait pas avoir peur de dire la vérité ou de dénoncer le mensonge d’où qu’il vienne. C’est cela sa mission. Peut-on alors penser que la démission de l’Église Catholique aux vraies questions de sociétés profite aux autres confessions et sectes qui ne cessent de naître et d’attirer un grand nombre de fidèles ? L’Église Catholique s’en rend-elle compte ? L’épiscopat est bien sûr en première ligne de mire en tant qu’hiérarchie supérieure locale. Tu es notre Église mais nous sommes inquiets !
Faustin Kabanza