Le denier roi du Rwanda Kigeli V se repose désormais près de son frère dans son village natal

Cérémonie religieuse d'enterrement du Roi Kigeli V Ndahindurwa Jean-Baptiste à Nyanza, le 15.01.2017. Photo (c) Igihe

Par Tharcisse Semana

Le roi Kigeli V Jean-Baptiste Ndahindurwa, a été enterré dimanche, 15 janvier 2017, à Nyanza dans son village natal ”Mwima”, privé d’honneurs d’un Chef d’État. Plusieurs centaines de personnes ont assisté  aux  funérailles  de ce dernier monarque du Rwanda décédé en exil, aux États-Unis, à l’âge de 80 ans.

La cérémonie religieuse présidée par l’évêque catholique du lieu, Mgr Philippe Rukamba, s’est déroulée en plein air dans l’ancienne capitale du royaume du Rwanda, dans l’enceinte du “Musée du Palais du roi” de Nyanza, baptisé Urukari, dans le sud du Rwanda.

Majoritairement en tenue traditionnelle, les invités, les amis et proches de Kigeli V se sont recueillis, les uns après les autres, devant son cercueil gris, sur lequel était posée la couronne traditionnelle des rois rwandais.

Alors que des dizaines de Rwandais ordinaires, résidant pour la plupart à Nyanza et dans ses environs, se sont joints aux proches du souverain pour lui rendre un dernier hommage, le Chef de l’État, Général Paul Kagame, et toute son équipe gouvernementale n’ont fait aucun déplacement.

Les autorités rwandaises ont plutôt préféré rester dans la capitale de Kigali où ils se rassemblaient dans les enceintes de ”Kigali Convention Center” pour les prière (national prayer breafast). Cela montre combien les autorités rwandaises n’étaient pas du tout tendre avec le dernier roi du Rwanda.

Représenté par son ministère de la Culture, en la personne de Julienne Uwacu, le Gouvernement rwandais n’a donc fait montrer au public – toute la population rwandaise et étrangère, toutes confondues – ses limites de tolérance politique. Le fait d’organiser les prières dans la capitale de Kigali à cette occasion de l’enterrement du dernier monarque du pays, cela laisse à penser à un acte de mépris délibérément adopté eu égard des anciens chefs d’État, dont le roi Kigeli V Jean-Baptiste Ndahindurwa. Cela n’est seulement synonyme de refus catégorique d’honneurs au dernier monarque du Rwanda comme Chef d’État mais également un grand mépris vis-à-vis de l’être humain qu’il prèfère reléguer symboliquement au rang des vestiges de la culture, dont on ne sait même pas à quel sens il entend la définir.

Né Ndahindurwa et baptisé Jean-Baptiste, Kigeli V était monté sur le trône en 1959. Après avoir aboli la monarchie par le référendum et proclamé la République, en 1961, il a été forcé à l’exil un an plus tard par les autorités coloniales belges. Il avait d’abord résidé dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Est, dont l’ancienne Tanganyika devenue actuelle Tanzanie, le Kenya et l’Ouganda, avant de s’installer aux États-Unis en 1992, dans la banlieue de Washington.

Décédé le 16 octobre 2016, sa dépouille a été rapatrié discrètement au Rwanda à l’issue d’une bataille juridique entre des membres de sa famille divisés.

Depuis la guerre d’octobre 1990 lancée par le Front patriotique rwandais (FPR), ex-rébellion tutsi dirigée par le Général Paul Kagame (président actuel du Rwanda) et la prise du pouvoir de celui-ci c’est-à-dire du FPR en 1994, la question du retour du roi n’a cessé d’être évoquée.

Toutes les négociations, tant discrètes qu’officielles entreprises, avaient cependant échoué : le gouvernement actuel du Rwanda dirigé par le FPR en la personne du Général Paul Kagame se disait toujours prêt à accueillir le monarque comme simple citoyen rwandais mais Kigeli V, lui, exigeait que les autorités rwandaises lui reconnaissent son privilège de roi et, ipso facto, acceptent qu’il rentre en tant que roi.

Après s’être déchirés sur la question du rapatriement de Kigeli V au Rwanda, ses proches sont désormais en désaccord sur sa succession.

Dans son communiqué de presse du 09 janvier 2017, le “Conseil royal” en exil, par la voix du chancelier de Kigeli V, Boniface Benzinge, a annoncé la désignation d’un nouveau successeur de Kigeli V en la personne d’Emmanuel Bushayija. Sans donner plus de détails ni de précisions sur son état civil, le lieux ou la date officielle de l’investiture, le “Conseil royal” s’est cependant contenté de souligner que le prétendant au trône désigné sous le nom royal de Yuhi VI est le neveu de Kigeli V.

Le communiqué précise par ailleurs qu’Emmanuel Bushayija est fils de Théoneste Bushayija et qu’il est né le 20 décembre 1960 au Rwanda. Il précise également qu’il a été employé de Pepsi Cola en Ouganda et qu’il vit actuellement au Royaume Uni, depuis 17 ans. Mais… sous quel statut? Un mystère!

Après ce communiqué de presse du “Conseil royal” en exil désignant Emmanuel Bushayija comme successeur, les proches de Kigeli V vivant au Rwanda et à l’étranger dont Gérald Rwigemera et Pasteur Ezra Mpyisi, ont immédiatement rejeté cette nomination. Ils laissent entendre même qu’ils vont procéder à nomination du successeur de après Kigeli V  Ndahindurwa Jean-Baptiste. Les tractations pour cette nomination – dont on sait jusqu’à présent l’issu – auraient déjà eu lieu avant même l’enterrement.

Kigeli V est l’un des rois du Rwanda qui a fait un très court séjour au trône royal (1959-1961). Il meurt et est enterré sans bénéficier des avantages dus à un ancien Chef d’Etat. Aurait-t-il délibérément voulu que la situation soit ainsi ou bien c’est le hasard des choses? Son testament non encore trouvable aurait nous donner plus de détails ou nous renseigner davantage sur cela.

Kigeli V Ndahindurwa Jean-Baptiste se repose désormais sur sa colline, près de la sépulture de son frère et prédécesseur Mutara III, mort en 1959.

Requiescat in pace !

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