20/10/2024, par Victor Manege Gakoko
Journaliste et Homme politique, Aloys Munyangaju aurait fêté aujourd’hui son centième anniversaire. Un jubilé de 100 ans qui nous rappelle non seulement sa personnalité dans le monde journalistique et politique mais aussi et surtout son engagement citoyen. Portrait de cette icône du journalisme citoyen et militant pour les droits politiques et civiques.
Tout intellectuel est voué au savoir et tout particulièrement au savoir historique, dans la sérénité et le respect de la pluralité des convictions, opinions ou points de vue. Tel est le précieux héritage qu’Aloys Munyangaju nous a légué. Cet intellectuel engagé était natif de la cité catholique de Save; Save : cité des philosophes, cité des élites, cité des pionniers, cité des braves; Save – D’Amour, Save – Glamour, cette cité située au cœur de la préfecture de Butare; Butare : terre des savoirs, terre des pouvoirs, terre des visions, terre des passions, terre des loisirs, terre des plaisirs; Butare – Charnière, Butare – Lumière; cette préfecture de Butare anciennement appelée Astrida; cette belle Astrida des hommes et des femmes libres unis par le sort; Astrida : Berceau des Traditions, Carrefour des Cultures, Foyer des Valeurs, Nid des Rêves, Havre de Paix; Astrida – Amour, Astrida – Toujours.
En lui rendant un vibrant hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance et en mettant de nouveau à l’honneur Save – Butare (Astrida), sa contrée natale, j’éprouve beaucoup de fierté d’une part, d’exprimer mon admiration et mon attachement à ses valeurs d’humanisme et de défenseur des droits naturels; d’autre part de le resituer dans l’histoire en tant que “Héros National” tout en restituant son œuvre unique et singulière dans la mémoire collective.
Homme de caractère, il était peu enclin à masquer ses convictions, à dissimuler ses idées ou à atténuer ses jugements; toujours abordant les sujets sensibles avec tact et lucidité. Formé au Grand Séminaire de Nyakibanda et grand penseur, inventif et inspirant, d’ardeur et de ferveur naturelles, stimulant et visionnaire, Aloys Munyangaju s’est illustré par un leadership charismatique par excellence et distingué par ses pairs.
Patriote aux préoccupations sociales très fortes, il a fait partie de l’élite progressiste de première heure qui s’est opposée ouvertement à l’ordre politique régnant de domination active et d’aliénation insidieuse du menu peuple basé sur les inégalités multiformes; système instauré et amplifié par l’administration coutumière avec la complicité plus ou moins avouée de l’administration coloniale belge.
Convivial et cordial, il a su allier ses qualités de journaliste talentueux à ses habiletés politiques exceptionnelles pour devenir l’un des animateurs passionnés de l’éveil à la conscience politique. Communicateur hors pair, il a porté haut la voix des sans-voix dans leur lutte contre la servitude séculaire dopée par une monarchie rétrograde.
Mettant la priorité à l’instauration de la démocratie comme conditionnalité – gage – de l’indépendance, il a combattu le nationalisme bancal et démagogique prôné par l’aristocratie Tutsi. Par ce fait, il s’est hissé à l’avant-garde du mouvement de la “Promotion Sociale de la Masse”.
Modérateur et médiateur, Aloys Munyangaju – force tranquille – a joué aussi un rôle central dans la rédaction de la “Note sur l’aspect social du problème racial indigène au Rwanda”, qualifiée de ”Manifeste des Bahutu” par les conseillers du roi – une pétition à peine voilée – composée d’un mixage savant de plaidoyer et de réquisitoire. Et, en le commentant lui-même dans la revue “Temps Nouveaux d’Afrique“, dont il était rédacteur en chef, il a démontré avec tant d’éloquence combien il était maître des stratégies rhétoriques et de la sémantique; atteignant les objectifs visés grâce au maniement de la seule arme pacifique légitime, à la fois persuasive et dissuasive, à savoir : SA PLUME!
