08/10/2020, par P. Kaganwa.
L’année 2015. Une année très marquante dans l’histoire politique du Burundi. Une année d’un tournant décisif dans le processus démocratique du pays. Une année d’un mandat présidentiel controversé: le président sortant, Pierre Nkurunziza, soutenu par son parti CNDD-FDD et la majorité de la population se représente sous les heurts et sévères critiques de ses opposants. Une candidature du président qui, par le passé politique, ne se reproche de rien. Retour sur cette candidature qui a défrayé la chronique, tant médiatique que diplomatique.
En date du 09 juin 2020, le monde entier apprenait le décès soudain du président Pierre Nkurunziza du Burundi. Un boomerang de désinformation qui survint à l’annonce du décès comme à l’heure de sa déclaration de la candidature à sa succession.
Le gouvernement qui a annoncé la nouvelle, a par la même occasion, décrété un deuil national d’une semaine. Les burundais – des citoyens lambda aux dignitaires politiques ou religieux – ont, tous, respecté ce moment de recueillement en mémoire du défunt. Un impératif, à la fois, culturel et politique d’une société digne et respectueuse de ses valeurs ancestrales.
Fini donc le temps de deuil et d’une passation démocratique et institutionnelle parfaitement réussie, l’heure est aujourd’hui de se pencher sur cette figure incontournable de l’histoire du Burundi que les panafricanistes et anticolonialistes, certes, n’oublieront jamais dans l’histoire politique du continent africain et dans l’évolution politique du Burundi, en particulier.
Une disparition bouleversante
Dès l’annonce du décès du président Pierre Nkurunziza, de nombreuses personnalités, tant politiques que religieuses, des organisations nationales et internationales, se sont afflué pour rendre le dernier hommage à ce Chef de l’État burundais. Un protocole normal pour honorer la mémoire du défunt et réconforter sa famille biologique et politique. Depuis donc l’annonce du décès du président Pierre Nkurunziza, il y a eu de très fortes émotions de la part de ses plus proches, ses amis et compagnons de route en politique et de sa famille biologique et politique respective. Plusieurs hommages lui ont été rendus par des simples gens que des hautes personnalités, burundais et non burundais.
On a observé de nombreux messages de compassion et de solidarité venant du monde entier mais surtout des africains visiblement très affectés par le départ précipité d’un président panafricaniste encore très jeune, d’une humilité extraordinaire et un grand souverainiste qui venait d’organiser un transfert de pouvoir de manière pacifique et démocratique dans son pays. Certains États, comme la Tanzanie, par exemple, sont allés même jusqu’à décréter un deuil national de quelques jours dans leurs pays respectifs. A part quelques détracteurs qui, sans le dire publiquement, se seraient flottés les mains, on a bien vu que Pierre Nkurunziza était un président très admiré au-delà même des frontières du Burundi.
Une politique juste et audacieuse
Sa politique intérieure de démocratisation et réconciliation de la société par la vérité mais surtout l’accent mis sur le développement des petites gens; a fait de Pierre Nkurunziza un président ultra-populaire, d’un côté, et, de l’autre côté, très redouté par les réseaux encore influents des anciennes dictatures tutsi-hima qui n’ont toujours pas digéré la perte du pouvoir et l’arrivée d’un président issu de la majorité hutu. Sa politique souverainiste notamment sa conception des aides extérieures et son opposition catégorique aux ingérences étrangères, a heurté de plein fouet les intérêts de certaines puissances étrangères qui redoutent l’effet dominos.
Sa décision en Octobre 2016 de retirer le Burundi du statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale a été un acte courageux d’un président qui a réussi là où les autres pays africains ont échoué, faisait remarquer un observateur.
Alors que le Burundi dépendait des aides extérieures à hauteur de 70% quand il a pris le pouvoir en 2005, le président Pierre Nkurunziza a quitté ce monde en ayant légué aux burundais un pays qui finance tout seul son budget à 90%. Il a mis fin aux discriminations et conflits ethniques dont le Burundi a longtemps souffert et cela par une justice basée sur l’égalité de chance dans tous les organes du pays. Un héritage politique positif que son successeur, Evariste Ndayishimiye, en bénéficie et lequel, certes, il consolidera….
2015, une année décisive
L’année 2015 a marqué un tournant majeur dans le processus démocratique au Burundi. Le président Pierre Nkurunziza a démontré à ceux qui seraient tentés ou nourrissent encore aujourd’hui l’intention de (lui) faire le Coup d’Etat, que la période des coups d’Etats était résolue au Burundi. Alors qu’il était en Tanzanie, le président Pierre Nkurunziza a subit un coup d’Etat mais il est parvenu à vite rentrer au palais de Bujumbura, acclamé par la population tout au long de son chemin-retour.
L’un des gros mensonges des médias occidentaux venait de tomber et celui qu’on a présenté comme seul n’en était pas un. Au contraire, l’évènement a été une parfaite démonstration que Pierre Nkurunziza avait derrière lui un peuple et des forces de sécurité et de défense loyales et patriotiques. D’ailleurs le Général Cyrille Ndayirukiye, numéro 2 du putsch et ancien ministre de la défense sous le règne du dictateur Pierre Buyoya, l’a bien confirmé sur la télévision France 24: “nous avons rencontré une trop grande détermination militaire pour soutenir le pouvoir.”
Le président Pierre Nkurunziza venait donc d’être sauvé par sa politique d’unité nationale priorisée mais aussi par le patriotisme qu’il n’a cessé de prêcher et qui s’est extraordinairement renforcé, sous son mandat. Tout cela lui a valu de nombreuses critiques et un harcèlement géopolitique et diplomatique qu’aucun président du Burundi ou même de la région n’ait jamais connus.
Face aux agissements agressifs répétés des opposants radicaux en complicité avec quelques pays étrangers, le président Pierre Nkurunziza a centré sa politique sur la résistance et la réconciliation nationale mais surtout sur le patriotisme à travers des séances de moralisation de la société.
L’homme devenu populaire – se montrant plus humble, simple, solidaire et très attentif aux revendications de son peuple – commençait à agacer davantage les partisans du néocolonialisme de tout bord: les occidentaux et leurs alliés africains. Le Burundi, petit pays d’Afrique de l’Est, était devenu désormais le centre du monde.
Un président déshumanisé mais aussi réhabilité par ses actions…..
Que l’on soit passionné ou pas de la politique, on a surement entendu parler du fameux troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Un mandat illégal, anticonstitutionnel et donc inacceptable selon les opposants ou tracteurs du président Pierre Nkurunziza et leurs alliés, occidentaux et non occidentaux, y compris bien sûr certains acteurs sociopolitiques africains. Un mandat légal et constitutionnel selon la cour constitutionnelle du Burundi et la cour de justice de la communauté d’Afrique de l’Est d’un côté mais aussi selon les universitaires de renom et éclairés, burundais comme étrangers à l’instar de Charles Kambanda, professeur aux Etats-Unis d’Amérique de l’autre coté. Un mandat normal et légitime selon la masse populaire et les fans de Pierre Nkurunziza et son parti, FDD-CNDD. Un mandat présidentiel controversé qui, de 2015 à 2020, a beaucoup défrayé la chronique médiatique et de la sphère politique. La diplomatie et la géopolitique internationale et interrégionale en gestation pour le pire et le meilleur du Burundi ! Pierre Nkurunziza à l’une des médias, pro-néocolonialisme et contestateur de l’ingérence occidentale dans la gestion et la «bonne gouvernance» des pays africains. Que n’a-t-on pas entendu de ce président burundais Pierre Nkurunziza? Qui ne se souviendra pas de ce président africain qu’une minorité radicale et certains médias étrangers ont fait passer pour un homme seul et assoiffé du pouvoir ? Un président mégalomane ou plutôt souverainiste et démocratique !?
Quand les avis et désirs divergent…
Un arbitre se veut toujours nécessaire. Impartial ou partial ?! Tout dépendant de l’angle d’observation…et des convictions. En cette matière la cour constitutionnelle de la République du Burundi, le seul organe compétent, a statué et solennellement validé le mandat de Pierre Nkurunziza dans son arrêt du 04 mai 2015. Saisie par la société civile opposée au mandat, la cour de justice de la communauté d’Afrique de l’Est a, quant à elle, confirmé la décision de la cour constitutionnelle du Burundi, sur la légalité du troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Coup de tonnerre et surprise pour les opposants redoutables de Pierre Nkurunziza et son parti, FDD-CNDD. Bref un président dont une certaine presse occidentale a depuis 2015 présenté comme le mal dans cette région de l’Afrique de l’Est. Un président éclairé dans une région gangrénée par des guerres géostratégiques sans fin mais qui, en 2020, cinq ans plus tard de son mandat décrié et fort jasé, a renoncé volontairement à sa succession alors que la constitution le lui permettait. Un espoir du panafricanisme qui, pour certains, renaît. Mais aussi, le désarroi pour les défenseurs et promoteurs du néocolonialisme…
Pour de nombreux observateurs, le président Pierre Nkurunziza est, par ce geste hautement symbolique de transfert démocratique et pacifique du pouvoir, rentré dans un cercle fermé des grands chefs d’Etat africains. Mais comment celui que l’on a présenté comme un tyran, il y a cinq ans, est-il devenu une référence de résistance africaine et une icône du patriotisme de son pays jusqu’à ce qu’on fasse de lui un Guide Permanent ?
En tout état de cause, la manière dont le président Pierre Nkurunziza a géré son troisième mandat et l’hostilité que tout cela a suscitée à son égard conduit, ipso facto, à se poser cette question très fondamentale et légitime: “Le troisième mandat de Pierre Nkurunziza était-il réellement la cause de cet acharnement sur le Burundi “? Cette question cruciale sera abordée prochainement.