15/12/2017, par Tharcisse Semana
Le directeur du journal Intambwe, Obed Ndahayo, a été contraint à l’exil. Cette décision prise – in extremis – s’inscrit totalement dans le sillage de ses prédécesseurs, défenseurs de la presse libre et indépendante. Mais alors… jusques à quand l’exil des journalistes et d’autres défenseurs des libertés publiques?
Il s’appelle Obed Ndahayo et est directeur du journal Intambwe, écrit et publié à Kigali. Il vient de prendre une lourde décision de quitter son pays, le Rwanda, suite aux menaces et poursuites des services de renseignements.
Il s’est fait souvent entendre dans des différents Médias locaux et internationaux, comme par exemple dans certaines émissions radiophoniques de Voice of America (VOA), section Kirundi-Kinarwanda. Mais également dans les nouveaux médias sociaux (facebook, whatsapp, tweet ou dans des journaux online). Il a usé son droit de liberté d’expression et d’opinion et maintenant il en paye le prix (exil) comme d’ailleurs ses prédécesseurs.
Il est parmi de rares journalistes qui, au Rwanda, osait s’exprimer – plus ou moins librement – sur les sujets très sensibles de la politique rwandaise. Il s’est fait, par exemple, entendre critiquer le Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir dans ses manœuvres de modifier la Constitution, en vue permettre le Général Paul Kagame à se maintenir indéfiniment au pouvoir.
Il n’a même pas mâché ses mots pour dénoncer le projet minable de la ”Commission nationale pour la lutte contre génocide (CNLG)” voulant imposer la censure aux médias et aux journalistes indépendants pour la couverture médiatique des événements lors de la période commémorative.
Dans son article du 10 octobre 2017 intitulé Ngire icyo mvuga kuri Tharcisse Semana na Obed Ndahayo, qu’on traduirait en français par ”Mon point de vue sur les journalistes Tharcisse Semana et Obed Ndahayo”, le journal Rushyashya, proche du pouvoir, le voit d’un œil de traître. Mais également comme coopérant des opposants de Paul Kagame et du FPR, au pouvoir.
Ses grief ne sont pas différents de ceux de ses prédécesseurs
On lui reproche d’avoir accordé différentes interviews au journal Umunyamakuru, publié online à l’étranger et considéré comme un tribune des opposants. Celui-ci étant dirigé par Tharcisse Semana, ancien journaliste d’Umuseso, vivant actuellement en exil, en Suisse.
Les interviews citées par ce journal Rushyashya ont été réalisées et publiées respectivement le 05 octobre et le 08 juillet 2017. Et dans ces interviews, les deux journalistes tentaient d’analyser l’élection présidentielle de 2017: l’avant la campagne présidentielle, le déroulement de celle-ci et l’après la réélection du Général Paul Kagame.
L’auteur de cet article calomnieux, publié sous l’anonymat, revient anachroniquement sur les événements historiques et sociopolitiques qui ont caractérisés et marqués le Rwanda, les imputant et les attribuant curieusement à Monseigneur André Perraudin, ancien évêque de Kabgayi. Et, selon le point de vue de cet auteur anonyme, c’est ce prélat qui est à l’origine de tous les maux qui se sont historiquement enchaînés et abattus sur le Rwanda.
… la recherche de la bête noire
L’auteur anonyme ne s’arrête pas seulement à Monseigneur André Perraudin. Pour justifier les bavures du régime militaire et autocrate du FPR, actuellement au pouvoir, il s’en prend de manière très virulente à l’ancien journaliste d’Umuseso, Tharcisse Semana. Il le taxe d’être le vrai disciple de ce prélat par le simple fait d’avoir fait sa formation au Séminaire. Mais aussi au rédacteur en Chef du journal Intambwe, Obed Ndahayo, qu’il accuse de travailler en concert avec l’ancien journaliste d’Umuseso. Il ne s’arrête pas non plus là. Il va loin et encore plus loin… Il ose traiter les deux journalistes et les qualifier de propagateurs de l’idéologie divisionniste et génocidaire, deux lourdes accusations au Rwanda. Il les accusent également de vouloir délibérément inciter la population à désobéissance, les invitant aux révoltes et à se soulever contre les autorités politiques du pays. Trois chefs d’accusation qu’on inflige à ceux qu’on veut pendre ou faire disparaître une fois pour de bon.
Lors de la couverture du procès de Mademoiselle Diane Rwigara et sa famille, Obed Ndahayo et ses deux confrères journalistes dont le correspondant de Voice of America (VOA), Eric Bagirayubusa, ont été publiquement agressé par la police. Dans les jours qui suivent, tout s’enchaîne : il est dès lors mis sous surveillance par des services de renseignements. Ceux-ci se sont mêmes autorisés de se rendre à son bureau et procéder à la fouille. Heureusement qu’il n’y était pas. Par la suite, Obed Ndahayo, s’est rendu compte que sa vie est en danger. C’est ainsi qu’il a décidé de prendre rapidement le chemin de l’exil pour échapper à la mort qui l’attendait.
Ayant intervenu plusieurs fois dans mon média online ”www.umunyamakuru.com” comme journaliste analyste, j’estime et témoigne que Monsieur Obed Ndahayo est l’un de quelques rares journalistes Rwandais qui ose dire ce qu’il pense du Front patriotique rwandais (FPR), actuellement au pouvoir. Il ose même le critiquer ouvertement.
Au Rwanda, tout journaliste qui ose écrire ou publier des informations critiques envers l’action du gouvernement du FPR, subit toujours la répression du pouvoir, jusqu’à quitter même le pays. Et voilà le rédacteur en Chef du journal Intambwe, Obed Ndahayo, lui aussi aujourd’hui en exil. Son exile s’inscrit parfaitement dans le sillage de ses prédécesseurs.
Comme toutes les années précédentes, la presse rwandaise [écrite et audio-visuelle] était monochrome. Elle le reste encore aujourd’hui en 2017. Chaque publication ou journaliste qui ose se montrer libre et indépendant, subit toujours un harcèlement quotidien.
Hier comme aujourd’hui, les quelques rares publications critiques, font toujours l’objet de brimades, de procès interminables ou même de saisies arbitraires. Il n’est donc pas étonnant de voir les journalistes libres et critiques, comme Obed Ndahayo, mal vus par les « barons » du Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir, fuir le pays ».
Les prises de position d’Obed Ndahayo pour la défense de la liberté de la presse, le droit d’expression et d’opinion n’ont donc pas plu le Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir, ce qui l’a logiquement poussé à le mettre sous la surveillance permanente de ses services de renseignements. N’ayant donc pas pu résister aux pressions et aux menaces exercées sur lui, Obed Ndahayo a finalement décidé de fuir le pays.