De la liberté d’expression: un grand peuple ne peut être qu’un peuple libre

La liberté d'expression! A quel prix?! Image d'illustration (c) perezartsplastiques

13/02/2017, par MNE Nkundabayo

En matière de liberté d’expression, chacun voit midi à sa porte. Non seulement dans le pays qui vous intéresse, mais aussi partout dans le monde ; chaque communauté place les limites de la liberté d’expression aux abords de sa propre sensibilité, et conçoit l’étendue du champ que couvrent les sensibilités d’autres communautés comme faisant partie du domaine où celle-ci doit, impérativement, être exercée. « Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage » disait Mark Twain.

Quand, de surcroit, une communauté parvient à avoir le dessus, elle est souvent tentée de substituer les sensibilités d’autres communautés par la sienne propre ; par le biais de l’éducation nationale, de la propagande médiatique, de l’endoctrinement politique ou prosélytisme religieux qui, à la longue, finissent par installer une sensibilité unique pour toute la population.

La nécessité d’une parole divergente

Peut-on se permettre une critique, quelle qu’elle soit, sur ce pays sans automatiquement se faire crucifier pour blasphème par la « bienpensance » ambiante ? Doit-on tous chanter des louanges aveugles et céder à l’émerveillement béat chaque fois que le nom du pays « chéri » est cité ? Est-il possible de montrer le revers de la médaille sans, automatiquement, se faire traiter d’halluciné ou d’autres noms d’oiseaux ? Ne peut-il y avoir d’autres sources d’information crédibles que celles des communicants « Embedded » ?

S’il est vrai que ce pays mérite amplement des compliments sur ses exploits, prise en compte la situation catastrophique de départ au milieu des années 90, il est aussi vrai que le trop plein de ces compliments et de ces flatteries risque d’amollir et d’avilir ceux qui commencent à trop y prendre goût et tendent à se croire au bout de leur périple alors qu’ils n’en sont même pas à la moitié.

On s’aliène plus le cerveau à trop écouter ceux qui vous tressent des lauriers et vous portent aux nues, qu’en prêtant attention à ceux qui vous réservent des réquisitoires. La complaisance excessive amène nécessairement au laisser-aller et ce pays connait aujourd’hui une « overdose » d’opinions positives.

Nelson Mandela en prison de 1962-1990, il devient président de 1994-1999

Nelson Mandela en prison de 1962-1990, il devient président de 1994-1999

Accorder trop d’importance aux louanges des hagiographes et autres courtisans opportunistes, expose aux traumatismes quand ces flatteries se transforment en critiques. C’est aussi s’exposer à une addiction qui prend contrôle des agissements de soi et qui les destinent exclusivement à la sollicitation de ces excitants que sont les compliments et louanges invoqués au détriment de l’essentiel.

Une jeunesse avec des œillères

Les plus vulnérables à cette dépendance sont la nouvelle génération citadine et branchée de l’après-guerre qui n’a pas connu les années de malheurs et de vaches maigres comme leurs ainés. Ces derniers ne se laissent pas avoir par ces louanges superficielles parce qu’ils savent bien qu’elles sont souvent intéressées ou tout simplement livrées sur commande pour des besoins de communication ou de propagande par leurs propres soins.

Or, cette lucidité et d’autres acquis empiriques font défaut à cette nouvelle génération « selfie » gravement atteint d’un narcissisme handicapant, d’une fatuité inquiétante et d’une frivolité déconcertante. Elle pense représenter la quintessence de la beauté ou de l’intelligence humaine et elle se croit la plus performante dans tous les domaines. On assiste ainsi à la naissance d’une génération atteinte du syndrome des « adulescents » c’est-à-dire des adultes au comportement et à la mentalité d’adolescent, phénomène qui fait des ravages dans pas mal de pays développés. Jeunesse plus sensible, plus impatiente, plus individualiste, trop hédoniste et sans tabous ce qui, à la longue, finira par nuire à la société.

D’autre part, on y assiste à l’émergence d’une prédominance inédite de jeunes technocrates à logiciel unique déconnectés de certaines réalités du pays, qui prennent la doctrine officielle du pouvoir comme parole d’évangile. Si ce jeunisme assumé comporte des avantages indiscutables, il faut aussi remarquer qu’il favorise la perte des repères et des choix que la sagesse aurait évités.

Mahatma Gandhi, prêchant la non-violence, il a conduit le mouvement qui a conduit l'Inde à l'indépendance en 1947. Photo (c) philosophie-spiritualité.com

Mahatma Gandhi, prêchant la non-violence, il a conduit le mouvement qui a conduit l’Inde à l’indépendance en 1947. Photo (c) philosophie-spiritualité.com

Un grand peuple en laisse

Un grand peuple ne peut être qu’un peuple libre ; libre de penser, libre de parole, libre d’apprendre et libre d’entreprendre. C’est de cette jeunesse, première victime de la pensée unique, que doit venir le sursaut en faveur d’une société où la diversité d’opinons ne constitue plus une menace mais, au contraire, une richesse. Elle doit continuer à avoir confiance en elle tout en écoutant les critiques, avancer sans oublier d’où elle vient, se faire plaisir sans tomber dans l’excès, prendre toute sa place sans empiéter sur les plates-bandes d’autrui. Elle doit garder à l’esprit que ceux qui se trouvent en bas de l’échelle, peuvent demain se retrouver au sommet de celle-ci et, de par cette éventualité, agir envers eux comme ils aimeraient que les autres fassent à leur égard s’ils venaient à dégringoler les échelons. « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature ». E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs.

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