Il y a environ 15 ans, un député et membre d’un des grands partis, a pris sa plume pour adresser un message à la classe politique rwandaise. Il l’a fait sous forme d’interpellation ou questionnement en vue d’ouvrir un débat constructif. Soit, il a été mal compris, soit, il a dit ce dont les plus hautes autorités ne voulaient pas entendre parler.
Quand on ne voit pas plus loin que son nez, on prend toujours mal les critiques, même quand elles sont constructives. Telle une semence tombée sur un roc ou dans une terre infertile. Pire encore, ni son parti à l’époque, ni les responsables du régime n’ont pas voulu regarder la réalité en face, au contraire, c’est dans l’indifférence et limite du cynisme, que cet homme a été envoyé derrière les barreaux.
Il y a une semaine, un jeune homme d’une vingtaine d’années me demandait : « si jamais ce message était réactualisé et adapté au contexte du moment, n’aurait-il pas toujours son sens au même pays » ?
L’auteur de la lettre ouverte : Honorable Jean Daniel Mbanda.
En voici la teneur :
Lettre ouverte aux « dirigeants » des familles politiques
FPR, MDR, PDC, PDU, PSD, PSR, UDPR
Mesdames, Messieurs,
Je prends la respectueuse liberté de venir auprès de vous afin
de vous signifier mes appréhensions quant au rétrécissement progressif de l’espace
démocratique au Rwanda constaté au cours de ces dernières années. J’estime que j’ai le
devoir civique comme n’importe quel autre citoyen rwandais « conscient », de dénoncer à
temps l’autoritarisme au Rwanda, au moment où tout le monde affirme que, c’est ce genre
de mauvaise gouvernance qui a conduit notre pays dans les différentes crises cycliques,
dont le paroxysme aura été atteint avec la réalisation du génocide perpétré par une partie
des rwandais contre une autre, en avril 1994.
D’aucuns diront que c’est un suicide
(ou une folie) que je fais en posant cet acte (sans se rendre compte
qu’ils confirment mes appréhensions !!) et certains autres ne
manqueront pas de calquer ladite action sur une recherche de tapage publicitaire. Aux
uns comme aux autres, je dirai qu’ils sont loin de la vérité, même si je peux comprendre
que de longues années vécues dans la terreur, développent chez certains individus des
mécanismes de défense pouvant les conduire, au nom de la survie, à poser des actes
désavoués silencieusement par leur conscience.
Si je prends mon courage à deux mains pour ouvrir ce genre de débat, c’est d’abord
parce que je suis de ceux qui croient qu’un bon gouvernement, c’est celui qui privilégie
moins la paix que la liberté
de son peuple, c’est aussi parce que notre loi fondamentale qui
protège la liberté d’expression me permet de croire qu’un Rwandais
habitant le RWANDA et situé en dehors du Forum des partis et du Club des réfugiés
politiques peut tenter de raisonner sainement et de partager ses opinions aux autres, en
servant uniquement la PATRIE et sans être inquiété, c’est ensuite parce que le pouvoir en
place actuellement , affirme souvent qu’il est ouvert au débat pluriel et
contradictoire et que je le crois, c’est enfin fondamentalement parce
que pendant ce trimestre de deuil national, je me sens interpellé par
la mémoire des braves combattants qui ont beaucoup lutté pour
l’instauration de la JUSTICE et de la SOLIDARITE au RWANDA, je cite
Monsieur Ignace RUTAHANA, Monsieur Fidèle KANYABUGOYI, Monsieur
Cyprien RUGAMBA, Monsieur Pierre Claver KARENZI, Monsieur Calipophore
GATERA et bien d’autres. Ils s’étaient refusés d’adhérer à un
quelconque parti politique malgré les sollicitations multiples et
isotropiques des différents .(une ligne de texte illisible).
Ils sont partis (requiescat in pace) et nous sommes là. Pourquoi,
sinon pour pouvoir prendre le témoin et les relayer en honorant ainsi
une dette politico-morale envers eux ? Avec eux, on comprenait
facilement et l’atmosphère politique était respirable. Sans eux, tout
s’est assombri.
Je vous écris donc pour solliciter de votre part un
peu de lumière en ce qui concerne la compréhension de certains
concepts politiques tels que : PARTIS, TRANSITION, LEADERS POLITIQUES,
DEMOCRATIE, JUSTICE, SOLIDARITE, DEVELOPPEMENT, DROITS DE
L’HOMME, ETAT DE DROIT, etc.
Dans ce qui va suivre, je vais m’interroger en premier temps et avec
vous sur les PARTIS POLITIQUES, LA TRANSITION POLITIQUE au RWANDA
et le PROFIL des CHEFS de « PARTIS » et je reviendrai sur les autres
points d’ombre dans une correspondance ultérieure si Dieu le permet.
A. DES PARTIS POLITIQUES AU RWANDA
Les travaux combinés des chercheurs comme Max Weber, Tocqueville, Jean
Charlot, Maurice DUVERGER et surtout Joseph La Palombara et Myron
Weiner nous ont montré que pour qu’une association soit identifiée
comme parti politique, il faut qu’elle remplisse concomitamment les
critères suivants :
1. Une organisation durable, dont l’espérance de vie est supérieure à
celle de ses dirigeants en place. Ce critère différencie les partis avec de simples
clientèles, factions et camarillas qui, elles, disparaissent avec leurs fondateurs et
animateurs.
2. Une organisation bien établie, entretenant des rapports réguliers et
variés à l’échelon national. Ce critère singularise le parti par rapport au simple groupe
parlementaire.
3. La volonté délibérée des dirigeants nationaux et locaux (de ladite
organisation) de prendre et d’exercer le pouvoir, seul ou avec d’autres. Ce critère
différencie les partis des groupes de pression qui, eux, n’existent que pour influencer le
pouvoir.
4. Le souci de rechercher le soutien populaire à travers les élections. Ce critère oppose
les partis aux clubs qui, sans vouloir entrer ouvertement dans le combat politique, jouent
souvent le rôle de « brain-trust » d’un leader ou de laboratoire d’idée d’un parti.
5. La capacité enfin, de concourir à la formation et à l’expression de
la volonté politique. Ce critère précise bien les fonctions du parti qui sont de trois types :
former l’opinion, sélectionner les candidats et encadrer les élus.
Après lecture de ces critères, pensez-vous que ce que
vous prétendez diriger, chacun en ce qui le concerne, peut être
identifié comme parti politique ? Croyez-vous qu’il y a une seule
famille au RWANDA remplissant au moins un des cinq critères ci-haut
mentionnés même s’il faut les réunir tous pour être qualifié de parti
politique ? D’après vous, sommes-nous dans un système multi-partisan,
bipartisan, à parti dominant ou à parti unique ? Quelle idée vous
faites-vous des Rwandais quand vous tentez de leur faire croire que
par exemple le PSR ou l’UDPR sont des partis politiques au même titre
que le PSD ou le FPR ?
Que pouvez-vous dire de l’assertion qui affirme
qu’actuellement, le renforcement des partis en programmes et moyens
transforme ce dernier en COMITE CENTRAL D’UN PARTI UNIFIE avec des
sections du genre DEMOCRATIE et REPUBLIQUE, DEMOCRATIE SOCIALE,
DEMOCRATIE LIBERALE, UNION POPULAIRE, etc ?
A votre avis, y a-t-il des moyens autres que le
multipartisme réel, qui nous permettrait d’endiguer une nouvelle crise
éventuelle pouvant générer des débordements de toutes sortes ? Vous
arrive-t-il d’avoir le courage de traiter avec objectivité ces
questions ? Sinon, vous rendez-vous compte alors que vous êtes
entrain de d’hypothéquer l’avenir dun peuple qui, sorti des affres du
GENOCIDE, vous a cru et a adhéré béatement à votre discours ? Et «
l’histoire » ? Pensez-vous quelle pourra vous ménager lorsqu’elle
devra prononcer son verdict ? Et si par malheur « le pouvoir
personnel » que vous êtes entrain d’instaurer nous conduisait dans des
malheurs presque similaires à ceux que nous avons traversés,
auriez-vous le courage de ne pas vous cacher dans la quatrième
catégorie et vous afficher vous-mêmes dans la catégorie n°1
(souvenez-vous que la catégorisation des responsabilités est de votre
génie !)
Le troisième critère précise que pour qu’une
association soit qualifiée de parti politique, il faut que ses
dirigeants soient animés d’une volonté délibérée de prendre et
d’exercer le pouvoir. Comment interprétez-vous cela ? Pensez-vous
que la lecture machiavélique de la politique est la seule possible ?
Ceux qui ont lu le PRINCE de MACHIAVEL se souviennent-ils de la
récompense que César Borgia réserva à Messire Rémy d’Orque, et qui
fit tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide ?
Non, faites-moi réellement comprendre ce que vous entendez par PARTIS
POLITIQUES et ce que vous attendez d’eux ! Si vous ne savez pas
cerner la dimension réelle d’un parti politique, alors dites-vous bien
que vous êtes entrain de nous enfoncer profondément dans une crise
anomique, l’anomie étant l’indicateur d’une société sans structures,
sans normes et sans préceptes de comportement de sorte que l’individu
ne sait comment orienter sa conduite !
Toujours à propos de l’anomie,
je me dois de vous rappeler que son corollaire est l’émergence de «
montreurs de conduite » et d’agents charismatiques que vous semblez
pourtant tant redouter. Ese mwebwe bayobozi b’amashyaka, iyo mubuza
abayoboke b’amashyaka yanyu kubagira inama muvuga ngo : « NIMUSIGEHO
BATATUMENA » ubwo muba muvuga neza ubutegetsi murimo ? Ese iyo mvugo
yo kumena mwumva iba idashinja ubutegetsi kandi wenda atari byo ? Ese
uko mubizi ibyadutse byo « GUTESHA ABAYOBOKE UMURONGO » ni imyitwarire
iranga ingoma zimeze zite ? Harya uko mubizi hari ishyaka rigizwe
n’umuntu umwe cyangwa agatsiko gafite ibyo kumvikanaho ribaho ? Oya
nimusigeho ! ! !
B. DE LA TRANSITION POLITIQUE AU RWANDA
Politiquement et dans le cas concret du RWANDA, la
transition a été perçue comme un espace temporaire qui devait
permettre le passage sans heurts d’un Etat TOTALITAIRE à un ETAT de
DROIT. S’il est vrai qu’un ETAT de DROIT ne peut être installé du
jour au lendemain, il n’est pas moins vrai que la grande appréhension
qui habite souterrainement les pudiques non dits des Rwandais est de
savoir si un jour leur patrie deviendra enfin un ETAT du DROIT qui
serait plus juste qu’un ETAT de DROIT.
Cette appréhension est apparemment fondée sur les
interrogations suivantes pour lesquelles les abaturage ne trouvent pas
de réponse et que je vous prie de m’aider à élucider.
a) Le transition telle que pensée et proposée à Arusha a-t-elle jamais
été commencée ? Si elle a commencé, peut-on savoir quand et comment ?
Peut-on aussi savoir quand et comment elle pourra se terminer ?
Quels sont les mécanismes de suivi et d’évaluation de la réalisation
de la transition, qui devraient nous prémunir, contre «
l’artisanat » politique et nous épargner de voir la prorogation
d’échéance de la période susmentionnée se faire selon la simple
volonté de quelques dirigeants, alors que ça devrait être une affaire
d’Etat ? Peut-on savoir si ce qui était Gouvernement de Transition à
Base Elargie (GTBE) est devenu Gouvernement dUnion Nationale ?
Si l’union nationale peut être considérée comme un leitmotiv contenant le
message de tout un programme, pourquoi alors l’Assemblée Nationale de
Transition na-t-elle pas été appelée également Assemblée Nationale
d’Union Nationale ? Ne pensez-vous pas que ceci aurait le mérite de «
gommer » la transition, de privilégier la COHERENCE et d’expliquer le
mode d’agissement consensuel que l’ANT a actuellement adopté
contrairement à la loi fondamentale ? Puisqu’on parle de l’Assemblée
Nationale de Transition, peut-on savoir à qui rendent compte les honorables membres de
cette auguste institution ? A leurs propres partis politiques qui sont pressentis comme
étant leur « réelle » circonscription ? Non, parce que tout montre qu’ils échappent au
contrôle des pseudo-dirigeants de partis politiques. A qui alors ?
Au FORUM ? Au Président de la République ? Au peuple ? A qui
réellement ?
Doit-on les observer avec impuissance, enfreindre avec
persistance la loi fondamentale et les autres lois kandi binyuranije
n’indahiro yabo ? Kubirebera utagize icyo ubivugaho ntibwaba ari
bumwe mu buryo bwo kwimakaza ingeso yo kudahana ? Nimutiga kubivuga
mu nzibacyuho se ni ryari muzabivuga ?Ese abo BADEPITE bubumwe ko
badatinyuka gutumiza Perezida wa Repuburika (cyangwa se minisitri
wingabo) kugira ngo asobanurire abaturage iby’intambara ibugarije,
bategereje ko yibwiriza ? Ese aho ntibaba ari abadepite ba Perezida
kurusha uko ari abadepite bamashyaka cyangwa kurusha uko ari
abadepite babaturage ? Ari byo se ubwo twaba turi mu nzibacyuho
koko cyangwa ibintu byaba byarakomereje aho byari bigeze ?
b) Certains auteurs (W.A LEWIS) affirment que le parti unique marque
l’aboutissement d’une évolution qui part du multipartisme, passe par
le bipartisme inégalitaire pour arriver au parti unifié, dernière
étape avant la parti unique. Les raisons avancées pour l’évolution
vers le parti unique sont partout les mêmes et sont sous-tendues par
trois arguments principaux à savoir : l’intégration nationale, la
modernisation économique et l’homogénéité sociale !
Ne pensez-vous pas que ce cliché fait actuellement autorité au Rwanda ? Autrement
dit, ne croyez-vous pas que vous confondez sciemment TRANSITION et
L’EVOLUTION précitée ? Na-t-on pas l’impression que lors des
négociations, certains ont accepté la transition en la concevant
comme un conclave dans lequel ils allaient fondre toutes les
conventions (Accords de paix et autres) pour les verser dans un moule
étudié afin de produire à la sortie un pouvoir « sur mesure et sans partage » ?
c) Au milieu des années 50, Carl Friedrich a caractérisé le totalitarisme par six traits
fondamentaux et la lecture de Z. Brzezinski, et D. Colas permet de les compléter avec
quatre autres. Nous pouvons donc dire que le totalitarisme qui est synonyme de
dictature se définit par la réunion de dix critères suivants qui doivent tous être présents
pour que la notion soit appliquée avec validité.
1. Une idéologie officielle constituée d’une doctrine officielle
couvrant tous les aspects vitaux de lexistence humaine et à laquelle
tous ceux qui vivent dans la société sont supposés adhérer, au moins
passivement.
2. Un parti de masse unique comprenant un nombre relativement faible
de la population totale (pas plus de 10%) dhommes et de femmes
dévoués avec passion et sans réticence à lidéologie et cherchant par
tous moyens à promouvoir son acceptation généralisée. Un pareil parti
est organisé sur un mode strictement hiérarchique et oligarchique.
3. Un quasi monopole, techniquement conditionné, du pouvoir sur tous
les moyens de combat armé effectif. Ce monopole est entre les mains
du parti et de ses cadres, cest-à-dire soit de la bureaucratie, soit des forces armées.
4. Un quasi monopole, techniquement conditionné, du pouvoir sur tous
les moyens effectifs de communication. Il est lui aussi dans les mains du parti.
5. Un quasi monopole des moyens de production et de léconomie dans
son ensemble qui obéit à une planification centralisée.
6. Un système de pouvoir policier terroriste, sappuyant sur les
monopoles de la violence et des moyens de communication, qui nest pas
seulement dirigé contre des « ennemis » du régime mais aussi contre
des catégories arbitrairement sélectionnées de populations.
7. Le passage des catégories de la guerre à celle de lhygiène sociale
consistant à stigmatiser certains groupes comme nuisibles, parasitaires et quelques fois
assimilés à des insectes dont la dangerosité ne tient pas à une volonté malveillante mais à
une malfaisance naturelle. Ici apparaît la naturalisation du social qui est très voisine et
pire que le racisme.
8. La fusion du parti-Etat et de la société civile qui consiste à voir les cadres du
Parti-Etat envahir (ou récupérer) la direction des groupes dintérêts (organisation
professionnelle, syndicats ouvriers, groupements féminins, associations à revendications
paysannes, etc) et celles des groupes didées (groupements idéologiques et
confessionnels, groupements de condition, société de pensée et les clubs).
9. A condamnation de la moindre espace de liberté dans la famille, la
société civile ou lEtat. Le parti veut tout savoir sur tout et partout.
10. Le projet de construire une société régulée par une idéologie unique, commandée
par un parti-Etat unique, visant à produire une société unifiée où les divergences et la
compétition ne sont point tolérables et qui finit par échouer soit part lapparition dune
caste bureaucratique elle-même clivée en groupes rivaux, soit sur la répression de masse,
soit sur la faillite économique.
En comparant la situation politique qui prévaut
actuellement dans notre pays et celle qui prévalait avant avril 1994 à
cette grille de définition de la dictature, y a-t-il l4un ou l4autre
critère qui n4était pas rempli avant 1994 ? Y en a-t-il un seul qui
ne soit pas rempli actuellement ? Pouvez-vous vous appuyer sur la
réponse à cette dernière question pour déterminer si oui ou non on est
dans un régime totalitaire ? Au cas où il apparaîtrait qu’on est
aujourd’hui dans un régime totalitaire, pensez-vous qu’il soit honnête
d’affirmer qu’il y ait eu transition ?
Si quelqu’un persiste à nous faire croire qu’il y a transition, cette honorable personne
pourrait-elle nous dire le seul critère que vous, dirigeants de
familles politiques, avez tenté de corriger ces six dernières années ?
Ne croyez-vous pas que la transition devrait prendre effet à partir
de l’instant où un parti manifesterait la volonté de rectifier l’un
quelconque des dix critères ci-haut mentionnés, et quelle (la
transition) devrait prendre fin dès lors que la rectification dudit
critère serait entièrement réalisée. Puisque le dixième critère nous
renseigne que le projet de construire une société régulée par une
idéologie unique commandée par un parti unique finit toujours par
échouer (les exemples font légion), pensez-vous qu’il soit réellement
intelligent de cautionner ce genre de projet ? Est-ce que la cécité
politique ne serait pas entrain de vous amener à vous comporter comme
les pauvres paysans de l’historique camionnette du Docteur GASARASI ?
Si vous deviez faire une étude comparée du
comportement des trois régimes (MDR, MRND, FPR) sur les cinq premières
années de leurs règnes respectifs (63-68, 74-79, 95-00), dans lequel de ces régimes
retrouveriez-vous les éléments suivants : 1° la récupération du pouvoir par les armes
avec éventuellement la logistique dun pays étranger, 2° labsence dun projet de société, 3°
linstallation dun président virtuel et intérimaire, 4° le phagocytage des autres partis
politiques, 5° le discrédit interne de certains leaders charismatiques (gutesha umurongo)
et 6° linstauration dune monarchie pseudo-républicaine. ?
Pensez-vous que les similarités que l’on pourrait constater ne
seraient pas trop alarmantes ? Qui, du PARMEHUTU et du FPR emprunte à
l’autre les méthodes de gouvernance ? Doit-on penser qu’ils ont
toujours consulté les mêmes bureaux d’étude sans le savoir ? Ou que
notre culture contient des germes bloquants qui enlèvent à nos analystes politiques la
capacité de se soustraire à toutes les représentations tant individuelles que collectives ?
Ne pensez-vous pas que si la transition pouvait servir d’abord à combattre les préjugés,
elle sauverait la nation rwandaise et permettrait d’accéder un jour à un ETAT du DROIT,
REEL ?
C. DU PROFIL DES CHEFS DES PARTIS
Lors de l’avènement du multipartisme dans notre pays, nous avons
assisté à l’émergence de toutes sortes de partis politiques. On a vu
naître des partis de cadres (PSD, PL), des partis de masse qu’on
appelle aussi révolutionnaires-centralisateurs (FPR, MDR, MRND) et des
partis pragmatiques-pluralistes (les autres) qu’on appellera plus tard
partis satellitaires. Les deux premiers types de partis donnaient l’impression d’être
fortement structurés et avaient à leur tête des équipes dirigeantes apparemment
compétentes et bien soudées.
Malheureusement pour et par opportunisme, elles devront imploser les
unes à la veille de la réalisation du génocide en 1994, les autres
plus tard. Par la suite, on a vu apparaître à la tête des partis, le
club de Byumba. A l’exception dune ou deux personnes, aucun autre
membre du club de BYUMBA ne remplissait les conditions de leader, mais
malheureusement, ce sont ces derniers qui récupéreront les directions
de Partis.
Personnellement, je n’ai pas compris et je ne
comprends pas pourquoi le FPR na pas pris en ce temps ses
responsabilités. Plus loin, la brèche étant ouverte, on verra
s’infiltrer des HUTU de service, des RESCAPES de service et enfin des
RAPATRIES de service. Ces amalgames, placés à la tête de ce qui
devait s’appeler partis politiques et affaiblis par l’hétérogénéité de
leurs composantes, vont tenter de se renforcer en trouvant refuge dans
ce qu’on a appelé FORUM DES PARTIS, ce dernier faisant penser à un
organe d’exécution d’un parti unifié (dernière étape vers le parti unique où les partis
d’opposition se trouvent éliminés soit par exclusion, soit par coalition ou soit par
absorption et où les différents partis rescapés décident de s’unifier sous l’égide d’un plus
puissant) (A. LEWIS). A ce niveau donc, il n’y a que des silhouettes des dirigeants,
commis d’un certain Charles ! !
Pour poursuivre, on peut encore relever que lesdits
dirigeants des « so called political parties », membres du FORUM, ont
tous en commun la caractéristique de s’être AUTOPROCLAMES. Néanmoins,
j’estime personnellement que ce n’est pas le plus grave car, non
contents de s’être autoproclamés, ils poussèrent l’outrecuidance
jusqu’à se substituer entièrement aux adhérents et tentèrent d’assurer
leur arrière-base en utilisant l’appareil de l’Etat comme instrument de prédation qui devait
leur permettre d’accumuler les richesses.
Dans leur entendement, cette accumulation doit générer un pouvoir
coercitif nécessaire à la défense de la situation acquise. Des
fragments de ce pouvoir seront même utilisés pour créer des transfuges
de tous bords et favoriser le renforcement du Forum, cadre informel,
illégitime et illégal, qui viendra même surclasser les institutions de
l’Etat légalement reconnues. LEtat prédateur étant confirmé, la
mentalité du gain facile s’installe, le système clientéliste
fonctionne à merveille et la dégradation politique est à son comble à
telle enseigne qu’on verra de pseudo nyangamugayo recourir au
mensonge pour aboutir à des fins non avoués (ici, les honorables Tito
RUTAREMARA et Médard RUTIJANWA voudront m’excuser mais je pense qu’ils
sont de ceux qui ne devraient pas tenter de faire objection).
Subséquemment, nos chers dirigeants de « partis » vont se
sentir investis à tort, du pouvoir de faire et défaire à volonté les
carrières politiques de ceux qui n’auront pas voulu que l’on
privilégie la cleptocratie (kuva inda irya) au détriment de la
fraternité (kuva inda imwe). Ils se permettront même de commettre des
erreurs politiques au nom de « leurs abayoboke » (comprenez que atari
abayoboke bishyaka).
Pour illustrer cela, je voudrais chers
compatriotes vous rappeler quelques unes de ces erreurs politiques qui
vous incombent (à vous et non aux partis) et qui sont inhérentes aux
derniers événements politiques qui viennent de se produire dans le pays, car cela est
encore présent dans nos mémoires.
1° Vous voudrez m’excuser et me permettre d’affirmer que vous n’avez
pas consulté vos bases (si petites soient-elles), et que vous avez de
votre propre initiative posé l’acte de soutien au candidat Président ,
cela dans une logique partitocratique (la partitocratie veut que les
dirigeants des partis récupèrent la souveraineté des adhérents et
l’exploitent pour se partager entre eux le pouvoir et lavoir
national, sans plus).
Ce faisant vous avez instauré sciemment une
monarchie absolue (au sens radical du terme mais non pas
nécessairement négatif) dans laquelle le monarque s’appelle PRESIDENT
de la REPUBLIQUE et où le club d’ABIRU n’est rien d’autre que le FORUM
des PARTIS, sans imaginer un seul instant que des observateurs
malveillants pouvaient insinuer que ce qui se fait depuis une année au
Rwanda n’est qu’un montage savant pour réaliser un coup d’Etat Civil.
La démarche préalablement proposée est inversée (quel brusque
renversement de sens et de direction).
Plus rien ne vient d’en bas,
il n’y a plus d’échange mais allocation, qui suppose un double
mouvement, mais à projection. La lumière ne vient plus d’en haut. Le
miroir déformant est en place et un groupe de pseudo-penseurs peut se
contempler de manière auto-satisfaite en croyant représenter un peuple
qui ne sent concerné qu’en tant qu’auditeur, disciple ou témoin. Tant
pis alors si la culture de sujétion semble se réinstaller au détriment de la culture de
participation dont pourtant vous ne cessez de faire éloge dans vos discours !
Ainsi aurez-vous aidé à renforcer la réinstallation de la dictature.
2° Sans vouloir me substituer aux comités directeurs des « partis
politiques », je pense, et vous pourrez me corriger si je me trompe,
que lors de la présentation des candidats Présidents la loi
fondamentale a été bafouée en plusieurs endroits, mais je ne parlerai
ici que d’un cas banal de courtoisie outrancière frisant l’ingérence.
En effet, si on admet que le Général Major Paul KAGAME fut le
candidat des partis politiques (MDR, PL, PDC, PDI, PSD, PSR, UDPR), le
FPR n’aura présenté qu’un seul candidat, à savoir Charles MULIGANDE.
Or, cette procédure n’étant prévue par aucune loi, on peut penser que
le FPR a incidemment présenté le Général Major Paul KAGAME sur
sollicitation des autres partis politiques, ladite sollicitation
devant être perçue comme une coercition ou, à la limite, comme une
interférence des autres partis dans les affaires du FPR. Dans ce cas
d’espèce, la jurisprudence devait faire autorité et la procédure de
présentation des candidats recommencée.
N’avez-vous pas encore en mémoire le cas MAKUBA lors de sa présentation comme candidat du PSD à
la Présidence de l Assemblée (ce n’est pas loin de la Présidence de la
République) ? Une action des partis, similaire à ce qu’on vient de
citer plus haut fut posée, taxée d’ingérence et condamnée. La
procédure fut recommencée.
A mon avis, le cas devrait faire jurisprudence. A moins alors que le dernier schéma fut fait sous
instigation du FPR, auquel cas on pourrait parler de MANIPULATION.
Dans l’un ou l’autre scénario, la loi fondamentale serait bafouée, ou dans sa lettre, ou alors
dans son esprit.
3° Afin avec tout le respect que je vous dois, je peux me permettre de
vous faire remarquer que votre récent positionnement accuse un défaut
de prospective. En effet, quiconque observe le paysage politique
rwandais depuis une année peut affirmer sans ambages qu’il y a une
crise sans précédent dans les annales politiques tant nationales
qu’internationales car on observe pour la première fois une panne
générale et simultanée des institutions.
Dans une intervalle ne dépassant pas six mois, on a vu tomber le Président de la Cour
Suprême, le Président de l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre et
le Président de la République. Au lieu de chercher à connaître les
causes de ladite crise, de les comparer avec celles des crises
précédentes (le colloque de BAMAKO aurait été ici dune grande utilité
puisque Messieurs Charles MULIGANDE, Tito RUTAREMARA et Stanley SAFARI
y étaient et sont membres influents du FORUM), d’en étudier les incidences possibles sur
notre société, et d’en chercher les remèdes et les effets seconds pour pouvoir endiguer à
temps la crise qui couve, et installer des instruments de prévention pour les crises
éventuelles à venir, vous vous êtes précipités pour appliquer la loi du clou qui en chasse
lautre (ngo nayo ihita ifatwa mu rubaho) sachant pertinemment que cela ne résolvait en
rien le problème.
(Jean Mbanda, 1er Juin 2000)